Le manga est une littérature très apprécie en France. Il représente d’ailleurs un marché d’environ 230 millions d’euros en 2020. Si beaucoup pourront citer One Piece, Naruto et Death Note, combien pourront citer l’œuvre de Hiroya Oku ? Last Hero Inuyashiki est une plongée dans une histoire de super-héros vraiment pas comme les autres, plutôt destinée à un public averti. Une critique garantie sans spoilers majeurs.
Hiroya Oku, un auteur qui ne fait pas dans la dentelle
Hiroya Oku est un mangaka et scénariste japonais né en 1967 à Fukuoka. Il est essentiellement connu pour son style de dessin réaliste et ses thématiques crues et brutalement honnêtes. S’il est bien moins populaire que Eiichiro Oda (One Piece) son œuvre a eu un réel impact sur le lectorat japonais, puis occidental. Ses créations les plus connues sont Gantz publié au Japon de 2000 à 2013 dans le magazine « Weekly Young Jump » de l’éditeur Shueisha et Last Hero Inuyashiki entre 2014 et 2017 dans le magazine de manga « Evening ».
Véritable maître de la science-fiction, il s’applique à créer des récits déroutants servis par une violence cruelle et explicite. Publié en France par les édition Ki-oon à partir de 2015, ce manga seinen (mangas orientés vers un public mature) en 10 tomes nous plonge dans une véritable réflexion sur les responsabilités personnelles, le courage et la quête de rédemption.
Une Histoire de cyborgs
L’histoire de Last Hero Inuyashiki est celle de Ichiro Inuyashiki, un employé de bureau de 58 ans délaissé par sa famille, épuisé par son travail et atteint d’un cancer. Une vie peu enviable qui aurait du s’arrêter net le soir où un vaisseau extraterrestre se crash dans le parc où il promenait son chien. Il meurt sur le coup. De leur côté, ces créatures extraterrestres ne veulent pas déclarer leur existence au monde et doivent donc à tout prix masquer cet accident.
Ichiro Inuyashiki est alors remplacé corps et « âme » par un robot à son effigie. un robot militarisé, surpuissant et doté de technologies à des années lumière de nos progrès scientifiques. Avec lui, c’est un jeune homme du nom de Hiro Shishigami qui bénéficie du même traitement. Les deux hommes découvrent alors deux conceptions très différentes de ce que cela signifie d’être humain. Ichiro va décider que ce qui fait de lui un être humain, c’est le fait de sauver les gens et Hiro se rendra compte que c’est en faisant le mal qu’il se sent vivant. Entre ces dix tomes, nous allons assister à une guerre entre deux « super-héros » d’un tout nouveau genre.

Un coup de crayon soigné
Last Hero Inuyashiki est une œuvre qui s’apprécie tant par son scénario que par la beauté de ses dessins. Comme cité dans l’introduction, l’auteur est connu pour son dessin fin et réaliste. Il soigne autant ses personnages que ses paysages ce qui nous offre une immersion dans l’histoire bien plus convaincante. Les décors font partie intégrante de la narration.
En effet, Oku ne lésine pas sur les détails pour rendre son monde plus crédible. Les rues, les magasins, les appartements, tout est crédible et dessiné avec autant de soin que les personnages principaux et secondaires. Les tomes peuvent également se vanter de ne pas être avares en doubles pages et d’offrir une première page en couleur. Pour ceux qui sont allés jusqu’au dernier tome, il était emballé avec un petit livret contenant des illustrations et un chapitre spécial en couleur et en papier plastifié, ce qui est assez rare pour le noter et l’apprécier encore davantage.

Le fond est à la hauteur de la forme
Le scénario de Last Hero Inuyashiki est à la hauteur du dessin de l’artiste. Bien qu’il soit un divertissement agréable et innovant, il offrira aux lectrices et lecteurs attentifs des moments de réflexions sur des sujets critiques dans notre société. L’évolution si rapide de la technologie, nous éloigne-t-elle de notre humanité ? Ne sommes-nous devenus que les données que nous laissons sur internet ?
Les personnages autant que nous, s’interrogent sur ces questions et basent leurs actions sur elles. Ils doivent trancher sur ce qui est bien de ce qui est mal, doivent subir ou s’affranchir du regard qui est posé sur eux suite à ces actions mais aussi apprendre de leurs erreurs ou être condamnés à les répéter. Les passages les plus marquants sont ceux où nous assistons à un dilemme moral : pour sauver une personne, est-il légitime d’en tuer une dizaine ? Sinon, est-ce que ça l’est si ce sont des criminels endurcis ? N’est-il pas possible d’avoir une seconde chance ?
Cela fait beaucoup de questions. C’est exactement ce que cherchait à faire Oku dans cette série : nous pousser à nous interroger sur notre nature la plus profonde, pas seulement en surface. Il nous invite à nous regarder dans un miroir et nous demander si nous sommes toujours sur le droit chemin, s’il nous arrive de nous moquer, d’être vils ou au contraire d’être toujours altruiste. Le message d’Oku pourrait s’apparenter davantage à « n’ayez pas peur de vous regarder sincèrement dans une glace, d’analyser vos travers et de juger par vous-même et selon vos critères sur ce qui doit être supprimé, amélioré ou laissé tel quel. »
Une œuvre adaptée
Le récit de Hiroya Oku a plu, tellement qu’il a été adapté en animé et au cinéma. Les réalisateurs Keiichi Satō et Shuhei Yabuta se sont alliés au célèbre studio MAPPA (Chainsaw Man, Vinland Saga, Yasuke) afin d’offrir au public une adaptation animée de Last Hero Inuyashiki en 2017.
C’est ensuite au réalisateur Shinsuke Satō (Alice in Borderlands) d’adapter l’œuvre de Oku pour le cinéma en 2018. Cela montre très clairement que Hiroya Oku a su plaire et faire réfléchir de nombreuses personnes en plus d’offrir un spectacle grandiose avec cette histoire de super-héros plus que revisitée.
En conclusion, nous avons ici un manga riche tant dans sa forme que dans son fond avec des personnages attachants et réalistes. J’ai beaucoup aimé cette œuvre qui a été ma porte d’entrée vers les seinen et qui m’a davantage poussé à rechercher des œuvres matures et réfléchies. Si vous n’aimez pas vraiment lire et que vous souhaitez tout de même découvrir cet univers fascinant, l’animé et le film sont fait pour vous !


