En 2001 au Japon, un film détrône Titanic au box-office. Mais qui est capable d’une telle chose ? Aujourd’hui, nous retraçons l’histoire du studio Ghibli. En 30 ans d’existence, le studio Ghibli a réussi à imposer sa vision du monde. Mais qui est à son origine, et comment le studio en est arrivé à être considéré par beaucoup comme le meilleur studio de film d’animation japonaise ?
Aux origines
Le studio Ghibli a vu le jour en 1985 au Japon. Il est le fruit de la collaboration de deux hommes, considérés aujourd’hui comme des icônes de l’animation japonaise : Hayao Miyazaki et Isao Takahata. Ces deux maîtres de l’animation, après avoir travaillé ensemble chez Toei Animation, décident de créer leur propre studio afin de donner vie à leurs univers artistiques uniques, et de poursuivre leurs idéaux.
Hayao Miyazaki, né en 1941, est souvent considéré comme l’un des plus grands réalisateurs d’animation de tous les temps. Son amour pour l’animation a commencé dès son plus jeune âge, et il a été particulièrement influencé par l’œuvre Astroboy de Osamu Tezuka, qui l’inspirera énormément. Il finira cependant par brûler tous ces projets, car il trouvait qu’il ne faisait qu’imiter son idole. Ayant vécu les ravages de la guerre dans son enfance, il sera très engagé contre, élément que l’on retrouvera dans ses œuvres. Son style distinctif, caractérisé par des thèmes écologiques, des protagonistes féminines fortes et une attention méticuleuse aux détails, a été développé au fil de sa carrière chez Toei Animation et a continué à évoluer au sein du Studio Ghibli.
Isao Takahata, né en 1935 et décédé en 2018, était un réalisateur, scénariste et producteur d’animation japonais. Connu pour sa capacité à raconter des histoires émouvantes et profondes, Takahata a apporté une profondeur émotionnelle et une complexité narrative à l’animation qui ont contribué à élever le genre à un niveau d’art.
Les deux hommes travailleront ensemble durant de nombreuses années, notamment pour la première œuvre qu’ils créeront ensemble, avec l’équipe qui deviendra l’année suivante les membres d’origine du Studio Ghibli : « Nausicaa de la vallée du vent« . Ce film est le premier long-métrage original des deux hommes, et sort au japon en 1984. Il est considéré comme étant le premier Ghibli, bien qu’à ce moment, le studio ne soit pas encore né.
Le début du Succès
Lors de la création du studio en 1985, les animations qui marchent le mieux au Japon sont les séries d’animation manga et les moyens métrages. Cependant, ce qui intéresse les fondateurs du studio, ce sont les longs-métrages. Ils prennent ainsi un énorme risque en allant à contre-courant. Ainsi, les équipes de productions ne sont engagées que pour la production d’un film, et seront réengagé si ce film est un succès. C’est de ce succès dont dépends le futur du studio.
Malgré tout, le premier film « officiel » du studio sort en 1986 et est un succès énorme au Japon, enregistrant environ 800.000 entrées dans les salles. « Le Château dans le Ciel » assure ainsi la continuité du studio, ainsi que l’intérêt du public pour les long-métrages d’animation. Ce film a immédiatement posé les bases de ce qui allait devenir la marque de fabrique de Ghibli : des histoires captivantes, des personnages profonds et une animation à couper le souffle.
L’histoire suit la jeune Sheeta et son ami Pazu dans leur quête pour découvrir le mystère du château volant de Laputa. Avec des pirates de l’air, des agents secrets et une technologie ancienne, le film est un mélange d’aventure, de science-fiction et de fantaisie qui a captivé le public.
L’ère d’or du studio
Le studio Ghibli a continué les années suivantes à produire des films, souvent avec plusieurs lignes de lecture, permettant à des personnes de tout âge d’apprécier ces œuvres. « Mon Voisin Totoro » eu un tel succès que Totoro, personnage imaginaire et gardien des forêts, devint la mascotte du studio. C’est en 2001 au Japon que sort « Le Voyage de Chihiro », critique adroite de la société de consommation, et enregistre tellement d’entrées en salle de cinéma qu’il détrône le film « Titanic ».
Le studio a su créer un univers unique, mélangeant le fantastique, le réalisme et une critique sociale subtile, le tout enveloppé dans une esthétique visuelle époustouflante, au travers des films qui ont non seulement conquis le box-office, mais ont aussi remporté de nombreux prix internationaux. Pour n’en citer que quelques-uns :
- « Mon Voisin Totoro » (1988) : ce film raconte l’histoire de deux jeunes filles qui emménagent avec leur père dans une nouvelle maison à la campagne pour être plus proches de leur mère hospitalisée. Elles découvrent rapidement que leur maison et les bois environnants sont habités par des créatures surnaturelles. Le film est une célébration de la nature et de l’innocence de l’enfance, avec une attention particulière portée à la représentation détaillée de la vie rurale japonaise. « Mon Voisin Totoro » a été salué pour sa beauté visuelle, son histoire captivante et son exploration de thèmes tels que l’amour familial et le respect de la nature. Il a remporté le prix du film Mainichi pour le meilleur film en 1988 et est souvent cité comme l’un des meilleurs films d’animation de tous les temps.
- « Princesse Mononoké » (1997) : ce film se déroule dans le Japon médiéval (ère Muromachi) et met en scène un jeune prince, Ashitaka, frappé d’une malédiction après avoir tué un dieu sanglier devenu démon. Pour lever la malédiction, il doit se rendre à l’ouest où il se retrouve pris dans un conflit entre les habitants d’Irontown, une ville minière, et les dieux de la forêt.
- « Le Voyage de Chihiro » (2001) : ce film est l’histoire de Chihiro, une fillette de dix ans qui, alors qu’elle se rend en famille vers sa nouvelle maison, entre dans le monde des esprits. Après la transformation de ses parents en porcs par la sorcière Yubaba, Chihiro prend un emploi dans l’établissement de bains de la sorcière pour retrouver ses parents et regagner le monde des humains.
Isao Takahata, en particulier, a laissé une empreinte indélébile dans l’histoire de l’animation avec des films tels que « Le Tombeau des lucioles », une histoire déchirante sur deux enfants essayant de survivre à la Seconde Guerre mondiale, et « Le Conte de la princesse Kaguya », qui a été nominé pour l’Oscar du meilleur film d’animation.
Défis et évolutions
Dès 1994, le studio décide d’évoluer. C’est ainsi que certaines scènes de « Pompoko » par Isao Takahata sont produite en CGI (Computer-Generated Imagery). La CGI est une technologie qui permet de créer des images et des animations à l’aide d’ordinateurs, offrant une plus grande flexibilité et des possibilités infinies en termes de design et d’effets visuels. Il faudra cependant attendre 2020 pour voir le premier Ghibli entièrement en image de synthèse, avec « Aya et la Sorcière ».
Mais ce n’est pas la seule évolution. En effet, d’autres réalisateurs commencent à créer leurs propres longs métrages. On peut citer Kaoru Nakamura avec « Je peux entendre l’océan« , Yoshifumi Kondo avec « Si tu tends l’oreille« , ou encore Goro Miyazaki, fils de Hayao Miyazaki, avec « Les contes de Terremer« .
C’est en 2018 qu’une terrible tragédie frappa le studio, et le monde de l’animation tout entier. Isao Takahata, co-fondateur du studio et légende de l’animation japonaise, décéda. Ce fut une période très dure pour le studio, et encore plus pour Hayao Miyazaki, car il venait de perdre son ami de longue date, son collègue, celui avec qui il avait tant partagé. On apprit à cette occasion que c’est sa rencontre avec Isao Takahata qui avait inspiré à Hayao Miyazaki cette scène mythique de mon voisin Totoro, de rencontre sous la pluie à un arrêt de bus.
Après le départ à la retraite de Hayao Miyazaki en 2013, le Studio Ghibli a connu une période de transition. Cependant, il est important de noter que Miyazaki est sorti de sa retraite à plusieurs reprises pour continuer à travailler sur de nouveaux projets. Son dernier projet est d’ailleurs sorti ce 14 juillet au Japon et c’est un carton. Nous n’avons que peu d’information sur ce film, car l’information est très contrôlée et aucune promotion n’a été faite. La seule information que nous avons est que ce film, nommé Kimi-tachi wa Dō Ikiru ka en japonais, est basé sur un roman de 1937 de Genzaburo Yoshino intitulé « How Do You Live? ».
Bien que tout le monde ne connaisse pas le studio Ghibli, il a impacté énormément aussi bien le monde de l’animation que la pop-culture, marquant au passage toute une génération d’un rêve, celui de deux hommes, le rêve d’un monde meilleur.